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popwar

mardi 29 décembre 2009

L'illumination des Phares

Parfois, même fréquemment, il m'arrive de me questionner sur la légitimité de vouloir «créer» pour vivre. Pourquoi est-ce que je voudrais devenir un cinéaste? Est-que la société va pouvoir en bénéficier? Je ferais mieux de devenir professeur, ou de faire du travail humanitaire toute ma vie...non? Non. Hier, j'ai eu l'occasion de dévorer une de ses œuvres qui redonne foi en l'art. Une sorte d'illumination. Pauvre matelot, j'étais perdu en des eaux troubles, mais les phares m'ont permis de renouer avec la terre ferme:

Rubens, fleuve d'oubli, jardin de la paresse,
Oreiller de chair fraîche où l'on ne peut aimer,
Mais où la vie afflue et s'agite sans cesse,
Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer;

Léonard de Vinci, miroir profond et sombre,
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère, apparaissent à l'ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays;

Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,
Et d'un grand crucifix décoré seulement,
Où la prière en pleurs s'exhale des ordures,
Et d'un rayon d'hiver traversé brusquement;

Michel-Ange, lieu vague où l'on voit des Hercules
Se mêler à des Christ, et se lever tout droits
Des fantômes puissants, qui dans les crépuscules
Déchirent leur suaire en étirant leurs doigts;

Colères de boxeur, impudences de faune,
Toi qui sus ramasser la beauté des goujats,
Grand coeur gonflé d'orgueil, homme débile et jaune,
Puget, mélancolique empereur des forçats;

Watteau, ce carnaval où bien des coeurs illustres,
Comme des papillons, errent en flamboyant,
Décors frais et légers éclairés par des lustres
Qui versent la folie à ce bal tournoyant;

Goya, cauchemar plein de choses inconnues,
De foetus qu'on fait cuire au milieu des sabbats,
De vieilles au miroir et d'enfants toutes nues,
Pour tenter les Démons ajustant bien leurs bas;

Delacroix, lac de sang hanté des mauvais anges,
Ombragé par un bois de sapin toujours vert,
Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges
Passent, comme un soupir étouffé de Weber;

Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes,
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes;
C'est pour les coeurs mortels un divin opium.

C'est un cri répété par mille sentinelles,
Un ordre renvoyé par mille porte-voix;
C'est un phare allumé sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois!

Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité!


La préservation de la dignité, voilà le vrai mandat de l'art.

Malheureusement, j'ai l'impression que le cinéma s'est perdu un peu. L'expérience d'un film au cinéma se transforme. Avec des films comme Avatar, regarder un film doit égaler les sensations fortes d'un manège à la ronde... On dirait que l'on est en train de pervertir le cinéma. Il faut que l'on redonne sa juste place au cinéma. Je propose qu'on fasse juste des films de genres psychédéliques avec un contenu solide et que l'on recommence la vieille tendance des «midnight movie matinee» en projetant nos films dans des salles sombres tard le soir. Se créer une notoriété qui pousserait les gens à voir des films pour lesquels ils n'auraient initialement aucun intérêt. La mise en oeuvre d'un vaste réseau de cinéclub pourrait aider aussi....

GUAL qui a toujours un peu la foi, merci Baudelaire pour tes phares

3 commentaires:

  1. L'esprit du cinéclub doit être réssucité et omniprésent chez toutes les personnes de notre âge. Cette envie de découvrir, de partager et de discuter est absente, aux dépends d'un cinéma populaire et d'une télévision hypnotisante.

    Imagine un cinéclub qui incite ses membres à créer et leur donne le droit d'être critiqués par leurs pairs. Un endroit où montrer des créations et d'échanger avec des gens qui partagent notre passion. Aucun élitisme, juste des gens qui montrent ce qu'ils ont fait à d'autres qui ont envie d'en apprendre. Puis, des fois, on regarderait des oeuvres classiques et fondamentales du cinéma.

    J'imagine qu'un KINO c'est ça, mais j'en ai jamais fréquenté un.

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  2. Et puis, je ressens un genre de jalousie quand je vois que tu as encore de l'espoir. J'aimerais aussi en avoir, mais malheureusement, ça m'est impossible.
    Je veux dire, tu le vois par tes propres yeux, avec le cinéclub étudiant qui est fréquenté toujours par les mêmes personnes : ceux qui sont en charge.

    Il n'y a pas d'intérêt poussé ou légitime pour le cinéma qui n'est pas divertissant et je ne crois pas que ça puisse changer. Toute fois, on est bornés et on ne veut pas lâcher prise - ce qui est <> diront certains... -

    Bien sûr, je ne prétends pas qu'une majorité puisse ou veuille s'intéresser à un cinéma cinématographique - la répétition est de mise puisqu'elle est juste.
    Le problème c'est que les gens qui s'intéressent au cinéma - je crois que je parle ici surtout des gens qui veulent en faire. Il existe quand même une certaine communauté de gens qui vont au cinéma ensemble ou qui partagent des films rares, sur Internet, par exemple - sont minorité et ne sont pas du tout unis. Ils se dispersent et se cachent.

    Il y a même un genre d'"élitisme" ou de "fermeture aux autres" chez les groupes de créateurs - 00essai, par exemple - qui rendent les "ressources" ou les "contacts" inatteignables. Au lieu de se mettre sur une liste de disponibilité, la majorité des gens que je vois faire du cinéma ne veulent en faire qu'avec certaines personnes. Pourquoi ne pas s'ouvrir et travailler avec n'importe qui, puisque ce qui compte est l'expérience acquise par ce tournage?

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  3. J'ai un peu d'espoir, quand je vois 30 personnes débarquées au cinéclub étudiant pour voir Un Crabe dans la tête. Je me dis aussi qu'il va falloir lutter. Je crois que c'est un long processus avant d'aimer des films d'une veine plus «cinématographique». Petit à petit, quelqu'un va s'ouvrir de plus en plus à des films d'auteurs de plus en plus complexes. Et je garde espoir que l'on vit présentement dans un genre de courant, que nos plages risquent d'être bientôt violemment heurté par une «nouvelle vague».

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