«La Mort d’un Naufragé» (dimanche 31 mai 2009, minuit 34)
Il y a déjà plus d’un mois que je ne dors pas.
La première nuit passée complètement éveillé, je l’ai passée à regarder la télévision, espérant que la prochaine émission serait ennuyante, endormante. Jusqu’à cinq heures du matin, j’ai attendu le moment propice pour dormir. Puis, j’ai dû quitter pour le cégep.
Deux semaines plus tard, c’était fini, l’école. Et les cernes ont passé du bleu pâle au violet foncé. Du jour au lendemain, j’ai commencé à voir des fioritures dans l’image, les sons étaient décalés et le récit, incompréhensible. La table de montage n’était pas disponible, cette journée-là, malheureusement. Impossible de remettre les pendules à l’heure. Quand on fait de l’insomnie, le temps est parfaitement incohérent : les aiguilles tournent en sens inverse, on passe de la nuit au jour en pensant constamment que c’est le monde à l’envers, et le temps s’arrête… Depuis une semaine, je passais mes soirées à chercher Max Von Sydow pour utiliser son image comme profil. Je parlais avec Susanne Bier de son film sur les noces d’un jeune couple. Je peignais la Mona Lisa édentée avec La Nui Étoilée comme fond. J’ai voyagé en Argentine, en arrêtant par Tel-Aviv, dans un petit café où je marmonnais seul à quel point je n’ai jamais aimé l’adaptation cinématographique de Less Than Zero. Peut-être avais-je enfin rêvé.
Hélas non. Je me retourne de côté dans mon lit, les draps tous mêlés autour de mon corps de plus en plus frêle et je me dis que ça semblait si bien comme histoire à imaginer.
Mes yeux se sont renfoncés, mes tempes sont si noires qu’on les croirait dessinées au fusain et le cadran affiche 4 :09. Et je décide que c’en est assez.
Mon problème c’est que, lorsque je suis obsédé par quelque chose, j’ai la mauvaise habitude de l’assimiler en moi. Prenons l’exemple de désordre psychologique qui me fascine depuis prées de 4 ans : l’amnésie. À force d’en parler dans quelques histoires que j’ai écrites, auparavant, j’ai fini par avoir de plus en plus de pertes de mémoire. Mélangez amnésie avec insomnie, plus un esprit contradictoire à la base, vous obtenez une personne complètement déboussolée qui se retrouve à une pharmacie et qui, au lieu de chercher les somnolents, se trouve dans la section électronique à chercher un téléphone avec agenda intégré. Parfois, si j’ai de la chance, j’ai des flashs de conscience qui reviennent me hanter. Et c’est le cas, Dieu merci, alors je silionne les allées à la recherche du remède à ma maladie. Rien contre la diarrhée verbale, mais peut-être y trouverais-je une alternative aux publicités de Sex-A-Tout et du Clan Paneton. Alors arrive le moment tant attendu d’avaler les petites pilules. Non. Un instant. J’ai oublié de dire qu’avant les médicaments, j’ai essayé les fêtes, l’alcool jusqu’à épuisement des stocks, les raves, l’ecstasy, le speedball, les combats de ruelle, la baise sportive des minettes en chaleur, le vélo de montagne, la course du mille, bref l’entraînement physique qui épuise le corps et l’oblige à se reposer. J’ai pensé que l’effort m’amènerait à un coma réparateur, quelque chose qui pourrait enfin m’empêcher de dire n’importe quoi à n’importe qui. Je pensais que la mort allait enfin être la solution à mon problème de gigotassions nocturnes. Et puis m’est venu en tête que le coma n’étais pas ce que je recherchais. Je voulais m’envoler ailleurs, quelque lieu où je serai sûr de ne déranger à personne, un endroit désertique, mais paradisiaque. Le surf, j’ai pensé. À travers les vagues électroniques, j’allais trouver mon paradis personnel. Alors, les séances nocturnes d’ordinateur ont recommencé. En fait, toute la nuit et du matin au soir, à dix centimètre de l’écran, je passais en revue tous les sites qui pourraient m’aider à trouver ma plage des suds tropicaux. Sites d’art, photos et peintures de sable, de lagons, et vagues; sites de leçons de comment construire son radeau aussi bien que Chuck Noland dans Cast Away; psychomédia pour les trucs du jour « comment aider un amnésique à vivre tous les jours. »
Mon teint est vert pâle et le pharmacien qui me fixe depuis dix minutes, ça pourrait être une heure, je ne regarde plus ma montre, il sort de son cabinet et me suggère une boîte. Je ne regarde plus rien, en fait : depuis des jours, mes yeux fixent, c’est tout. Chez moi, la boîte a un nom. La caissière me demande si j’ai la carte Air Miles, et monsieur, et youhou, et je dépose un billet de ma poche. Peut-être un vingt. La police n’est pas venue m’arrêter pour vol. Elle se nomme Homéogène 46 de BOIRON, croquer et laisser fondre deux (2) comprimés le soir et deux (2) comprimés au coucher. En cas de persistance des troubles, consultez un médecin. Un médecin. Tiens, je n’y ai jamais pensé. Peut-être par peur de me faire renvoyé chez les Remaining Men Together comme Jack. 60 comprimés, trois (3) tablettes de vingt (20). Et je croque, je mâche, j’attends jusqu’à ce que tout soit dissolu. Couché dans mon lit, au lieu de compter les moutons, je repense à tout ce que j’ai vécu depuis ma naissance. Remontons au premier souvenir : moi à deux (2) ans dans mon berceau qui essaie de s’enfuir de sa chambre noire plonger dans la pénombre, je me rentre le barreau dans la fourche et j’ai mal, mais je réussi à descendre. Je ne vois pas la poignée de porte, mais je sais exactement où elle se trouve, et même si elle est très haute, je réussi à ouvrir la porte et à aller dans le salon pour regarder la télévision. Au lieu de m’emmerder en me racontant cette histoire, je souris. Passons à une autre histoire… J’ai huit ans, et je dis une connerie à ma copine le jour de ma fête. Non, déjà écrite, cette histoire-là. Ça va m’endormir rapidement, pensais-je, et je vais dormir. Bien sûr, me connaissant, il n’y a aucune chance que je ne sois pas excité en pensant à tous les souvenirs qui me hantent. En fait, j’ai les yeux tellement secs que de les fermer serait trop pénible comme douleur. Ils sont figés sur le cadran et tout est flou. Le cellulaire vibre. Il s’agit d’un texto qui date d’une semaine. Ça y est, les revenants m’appellent. Enfin. À l’autre bout du fil se tiendrait une personne qui lâcherait un râle moribond avant de raccrocher. J’aurais enfin la preuve que je suis plus proche de la mort que je ne crois. Peut-être étais-je déjà sur mon île déserte. «Je ne serai pas là, à la projection. Tu me diras si c’était bien, et qui a gagné». Et ce numéro, c’était celui d’une fille avec qui j’avais à peine échanger quelques lignes sur internet. Comment pouvait-elle avoir mon numéro de cellulaire? Je décide alors d’écrire un scénario basé sur une histoire que l’on vivrait ensemble avant que tout ne vire au vinaigre. Disons, un bébé. Non, c’est cliché et j’ai déjà un scénario qui ressemble à ça. Un homme au volant d’un énorme camion noir engueule la mère de ma copine, juste devant leur maison; elle, dans sa petite voiture rouge, reste là, les doigts crispés sur le volant. L’homme part après son flot d’insultes plus vulgaires les unes que les autres, la mère sort de la voiture, pleure en soubresauts, tremblant de la tête aux pieds, avant de s’effondrer sur le sol, recroquevillée sur ses genoux. L’homme revient à toute vitesse, sort de son affreux truck rouillé, agrippe la mère par la peau du cou et commence à la frapper sauvagement. À la fin de cette scène, je serais parti à la course, sous les insultes proférées par la jeune fille en sanglots devant sa mère défigurée. Ce serait la fin de notre relation de couple, si on veut.
Et même après les quatre (4) comprimés croqués et dissous au fond de mon estomac, je suis toujours éveillé, et je m’imagine en train d’écrire ce scénario.
Il est rendu 3 :11 et les émissions sont finies depuis près d’un quart d’heure. Je quitte ma chambre le 31 mai au soir. Devant l’écran d’ordinateur, je suis prêt à écrire le scénario de ma vie, celui qui partira ma carrière, celui qui sera écrit sans que je ne me souvienne de quoi que ce soit et qui, enfin, ne radotera pas quelque chose de déjà évoqué auparavant. Titre à déterminer – je trouverai bien, je suis doué pour les titres – Scène 1, INT-JOUR X prend ses clés au crochet de l’entrée de sa maison. Il les regarde avant de les déposer au fond de sa poche. Il en sort sa montre, la regarde, puis la range avant de sortir une cigarette qu’il allume. Soudainement, les murs s’éloignent. Tout devient un effet Vertigo à 360 degrés. C’est que plus rien ne l’atteint. En voix-off, il dit : «Plus rien ne m’atteins ». Scène 2, EXT-JOUR-PLAGE X est sur une île tropicale et déserte. Seulement, il s’agit d’un studio de tournage où tous les espaces vides sont remplis par des toiles de plage ensoleillée. Au sol se trouvent des peintures de sable fin, sur laquelle on remarque que l’acrylique utilisée a été mélangée à du véritable sable afin de donner un relief plus réaliste. Plus loin se trouvent les reproductions de la mer et des vagues, et à sa gauche se trouvent les arbres exotiques, les palmiers qui réagissent aux caresses du vent. Plan fixe extrêmement serré sur les yeux jaunis de X. Le cadre s’élargit jusqu’à ne cadrer que le visage : il est plein de fissures, il porte une barbe longue et hirsute, et les cernes sont maintenant rendues complètement noires et descendent jusqu’à ses joues. Il regarde tout autour de lui, les yeux luisant, perdus. Il tourne sur lui-même avec lenteur, et après s’être immobilisé pendant près d’une minute, il s’assoit dans le sable. Il prend des billots de palmiers sortis de nulle part et commence à les attacher afin d’en faire un radeau. Scène 3, INT-NUIT-Studio La fille du scénario imaginée entre dans le studio, allume discrètement une lampe de bureau et reste debout, tenant sa tasse de café de café à deux (2) mains, en regardant des pages de scénario éparpillées sur le bureau. En fait, il s’agit du scénario de Meddley Poetry où on y voit les cadrages indiqués au compat, les lignes de poésies surlignées et barrées, les indications de montage sur une feuille lignée collée sur l’écran du moniteur qui diffuse les images prises jusqu’à présent. Au fond de la salle, on remarque que l’installation des tableaux de plage est toujours en place. Soudainement, X pleure; la jeune fille sursaute et échappe sa tasse de café qui éclate en mille morceaux dans un slow motion dramatique. X apparaît entre deux cadres suspendus par des fils et parle à la fille d’une voix caverneuse : «J’ai trouvé le titre de mon scénario. La Mort d’un Naufragé.» Toujours sous le choc, les deux mains collées à ses joues, la fille fixe X habillé de spectres de vêtements. «Voilà un an que je n’ai pas dormi. J’ai fait un rêve magnifique, la dernière fois que j’ai dormi : j’étais sur une île tropicale, et tout n’était pas parfait, mais tout était vrai. Et du coup, j’ai assimilé toute l’information de ce lieu. Et le lendemain matin au réveil, j’ai commencé à peindre tous les détails, en commençant par le sable. Mon but c’est le syndrome de Stendal.» Contre champ sur la fille qui n’est plus là. …
Il est 2 :43 sur le cadran, lorsque je me réveille. Le soleil passe à travers les stores et je comprends que c’est l’après-midi. À côté de moi, sur mon bureau, se trouve une quinzaine de feuilles lignées remplies de texte avec, comme en-tête, le titre –Mort du Naufragé- suivi du sous-titre –Scénario complet, prêt à être filmé-.
J’appelle mon équipe de tournage. «Demain, vers 1h pm, donc dans moins de 24h (selon la règle), on tourne la première scène. J’ai un film à vous présenter, ça pourrait vous intéresser.»
JD _3h02 am_
sans cesse
popwar
lundi 1 juin 2009
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Count me in.
RépondreEffacerJe passe les flatteries habituelle pour t'indiquer que tout doit être fait.
Deaf Junk doit provide some material.
Merci
RépondreEffacerJ'apprécie la force éjaculatrice de cette masturbation mentale propre à toi.
J'aime.
Je veux être là pour t'aider jusqu'au dernier clic dans la salle de montage du local avec l'ambiance du crapart comme bande-son durant la frénésie des clics.
Ne laisse pas pourrir ce scénario dans le fond d'un fichier virtuel sur ton ordi.
Count me in also, ready for anything.
Gual
Merci, messieurs. Par quoi on commence? Je crois qu'une ptite réunion est de mise. See ya soon
RépondreEffacerim in if im not too newb
RépondreEffacerphil